mercredi, février 07, 2007

A Julien.

Ai-je trahi? Ai-je laissé filer ma révolte, l'ai-je gaspillé?
Si j'étais sûr de moi, j'aimerai te dire que non. J'aimerai te dire que ce qui me constitue, ce qui me fonde, ce que je crois par delà tout l'absurde qui nous entoure, c'est le devoir de renoncement et de dépassement de soi.

Ce sont ces valeurs apprises dans la souffrance, dans ton regard. Tu sais cette certitude folle que chaque jour qui te restait, qui pouvait être l'ultime et qui l'a été vite trop vite, chacun de ces jours devait te voir te dépasser. C'est ce combat perdu d'avance pour certains mais que tu gagnais chaque jour à mes yeux qui te faisait tellement humain. On peut admirer des icônes de l'histoire, de l'art, de la mode, moi je t'admirais toi, tu étais plus humain que bien des humains dans ton corps martyrisé.

Tu as vu j'ai employé le mot devoir, c'est un peu une insulte non? Tu l'auras compris ce devoir c'est vis à vis de moi et de personne d'autre, de ma charpente, de toutes mes larmes, de mes cris de douleurs quand j'étais gamin. Il faut transcender ses douleurs leur donner du sens, penser que c'est une chance, même si je sais combien ça coûte.

Il fût un temps où je m'étais oublié, où après un période de révolte intense, de colère contre ce foutu monde, j'avais sombré dans la facilité. Le chagrin de perdre son innocence de prendre conscience qu'on ne changera pas ce monde que l'on déteste tant. Et puis il y'avait toutes ces filles, leurs sourires, leurs parfums et l'impossibilité de se croire aimé, les déchirements du désir. Cette sensation de n'être qu'une grosse merde. Alors le confort des révoltes bourgeoises, les paradis artificiels et tout ce genre de petites conneries, le nihilisme le plus banal matiné d'une dose de Dandysme médiocre et surfait.

Mais la vie fait parfois de beaux cadeaux, j'en ai eu deux, Julien. J'ai retrouvé le temps d'un été dans le regard de tous ces bambins qui souffrent loin de tous ce qui me faisait tenir debout. Et je me suis repris intellectuellement, Camus, Dostoievski, Nietzche, les mots m'ont aidé à structurer à comprendre mon malaise.
J'ai de nouveau aimé le doute, je me suis rappelé que le dépassement de soi donnait un semblant de sens, qu'il y'avait une multitude de vies possibles.

Est-ce qu'aujourd'hui j'arrive à me dépasser et à renoncer au confort et au ronron? Je ne sais pas, je fais de mon mieux, j'essaye de ne pas me compromettre. Il y'a des visages qui aident, des rencontres qui te grandissent, tu es de ces visages là.